dimanche 15 mai 2016

Je ne veux pas former des carriéristes

La vision rectiligne de l’éducation carriériste me désole énormément. Je me suis souvent entendu dire à mes élèves, afin de les motiver, que l’éducation que je leur offrais était nécessaire pour avoir un bon emploi… que l’utilisation des nuages de points, de corrélations, de droites de régression … sera nécessaire dans des domaines des sciences humaines tels que la psychologie, le marketing… que l’utilisation de la fonction exponentielle sera nécessaire en finance, en biologie, en sociologie, etc.

Je fais la démonstration implicite, bien malgré moi, que l’apprentissage est une nécessité qui découle de l’obligation d’obtenir une rémunération. Que les connaissances acquises à la formation générale du secondaire servent d’abord à l’obtention d’un diplôme et d’une rémunération. Cette démonstration implicite est bien ancrée dans le système éducationnel québécois : on favorise la démonstration de l’utilité d’une connaissance au détriment de la connaissance elle-même. Si bien que lorsque j’enseigne une nouvelle notion à mes élèves, j’ai toujours l’impression que je dois m’armer de tous les exemples d’applications au cas où un élève me poserait la question inévitable : « À quoi ça sert, monsieur, d’apprendre ça? »

C’est un peu comme lorsqu’on brandit une carotte devant un cheval pour le faire avancer, sauf que la carotte a été substituée par une carrière remarquable et surtout payante. On admettra qu’au fond, on est un peu en train de dire à l’élève que s’il apprend comment isoler une variable dans une équation exponentielle, il pourra se payer toutes les pacotilles qu’il désire avec la richesse que lui procurera son emploi. On forme ainsi, à mon avis, une population qui n’a comme seule ambition que son propre avancement professionnel.

On ne met pas assez l’accent sur le fait que l’école ne devrait être qu’un tremplin sur l’apprentissage : un petit coup de pouce qui aidera ces jeunes adultes à être curieux, à lire, à visiter, à créer, à décider, etc. J’aimerais pouvoir répondre à mes élèves que les concepts qu’ils apprendront tout au cours de leur vie leur permettront de faire des choix éclairés.

Apprendre, ça ne s’arrête pas à l’obtention d’un diplôme. Apprendre, c’est se départir des cloisons que nous imposent certains cadres. Apprendre, c’est être libre.


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