vendredi 24 novembre 2017

Trois

Deux personnes de mon entourage étaient en train de parler. Je tendais l’oreille, même si je ne faisais pas partie de la conversation. Ils parlaient d’une tierce personne que je ne connais pas et qui n’était pas sur les lieux.

- L’autre jour, j’étais chez lui et il s’est ouvert une bière. En plein après-midi! Il m’en a offert une et j’ai refusé : y’était même pas 16 heures encore! C’était avant le souper. [L’intonation sur le mot « avant » est importante. Cette personne a pris une pause pour mettre l’accent sur le mot « avant ». C’était comme s’il était tout à fait inapproprié de prendre une consommation l’après-midi avant de souper.] Ça fait que j’lui ai dit : « Tu bois comme ça, une bière tous les jours, avant de souper? » et tu ne sais pas ce qu’il m’a répondu? Il en boit même une après!

- Tous les jours?

- Tous les jours!

- Ç’a pas d’allure!

- Pas d’allure!

- Pi pi… Pi pi pi!

- Wa! Wa… Wa! Wa! Wa…

Bon. Les deux dernières lignes n’étaient peut-être pas exactement formulées ainsi. En fait, c’est que pendant qu’ils parlaient dans le dos de Monsieur Trois, mon cerveau s’est mis en mode « n’écoute pas ça ». Je pense que cette nouvelle fonctionnalité de mon cerveau est arrivée dans une mise à jour quand j’ai eu 30 ans. Je ne me souviens pas.

https://www.youtube.com/watch?v=f4kYaHkkMbU

Mais pendant que les interlocuteurs discutaient à grands coups de « Pi! Pi! Pi! » et de « Wa! Wa! Wa! » avec la réverbération au maximum, je ne pouvais faire autrement que de me sentir coupable de consommer de l’alcool presque tous les jours : d’avoir passé une bonne partie de mes vacances à manger de bonnes bouffes, à boire du bon vin et à goûter à de bonnes bières.

La veille, le 23, un courriel de mon médecin : « Suite à votre prise de sang, Dr Inquiétante souhaite vous rencontrer afin de discuter des résultats. » Ça ne faisait même pas trois jours que ma prise de sang avait été faite ; ça ne faisait même pas une semaine que j’avais un médecin de famille ; et déjà Dr Critique avait de mauvaises nouvelles pour moi. C’est probablement le cholestérol… je ne m’alimente pas très bien. Et si c’était autre chose? J’ai fait la gaffe d’aller voir sur internet ce que pouvait révéler un mauvais test sanguin. Ça pourrait peut-être être grave. Le diabète? Le cancer? J’ai eu peur.

- Pi pi… Pi pi pi pi pi!

- Wa Wa?!! Wa Wa Wa Wa Wa…

Encore plus d’écho dans le dialogue. Le ton encore plus moralisateur, encore plus sermonneur. Comme si c’était la fin du monde. Je me suis mis à écouter à nouveau :

- Le monde qui ne font (sic) pas attention à leur alimentation comme ça, c’est bien de valeur, mais ils ne devraient pas avoir le droit de se faire opérer.

- C’est ça!

- Hey! Ce sont nos taxes qui payent pour des ivrognes pareils.

- C’est ça!

- Moi, je n’aime même pas ça de l’alcool! Bon, j’en prends quand je n’ai pas le choix si je suis invité(e) chez du monde, mais à part ça? Pppp?

https://www.youtube.com/watch?v=a98w8NGhPKA

C’est drôle comme son « Pppp! ». C’est comme faire un pet avec sa bouche pour signifier « et alors? Je m’en fous! ». Pauvre Monsieur Trois. Je ne le connais pas, mais j’ai beaucoup d’empathie pour lui. J’aurais aimé lui dire : « Hé! Ces personnes qui font partie de ton entourage jacassent dans ton dos! Ce ne sont pas de bons amis : au lieu de se soucier réellement de ta santé, ils te jugent et pensent à leurs taxes! Tu les invites chez toi, tu leur offres une bière et eux te perçoivent comme une anomalie du système de santé. »

https://www.youtube.com/watch?v=1s9n4CSct4Y

D’un point de vue rationnel, je n’aurais pas dû, mais je me suis quand même senti coupable. Si Dr Tracas voulait me voir, c’était probablement parce que je n’avais pas pris soin de ma santé de manière adéquate.

J’ai changé de pièce pour cesser d’entendre ce déluge de « Pi! » et de « Wa! ». Tout pédagogue qui se respecte devrait faire des efforts pour faire taire le vacarme assourdissant de l’ineptie ; doucement et rationnellement. Cette journée-là, je n’en avais pas la force.

Je me suis rendu au bureau du médecin plutôt nerveux.

https://www.youtube.com/watch?v=Icf68LrMfdY

Verdict : cholestérol élevé. Triglycérides dans le tapis. Ferritine full blast. Il ne faut pas banaliser, mais j’étais quand même soulagé. Recommandation : perdre du poids, ne pas manger de viande rouge et ne pas boire d’alcool. Suggestion : devenir végétarien. Tout ça pour trois mois.

C'est fait. J’ai fait ma prise de sang. J’ai été végétarien pour 20 repas sur 21 dans par semaine et quand je ne l’étais pas, c’était pour manger du poulet ou de la dinde. J’ai fait plein de bonnes recettes ; vraiment pas toutes, mais quand même une bonne majorité. Pas une goutte d’alcool : ça m’a permis de déguster des bières sans alcool. Par contre, de ce côté, j’ai fait aucune découverte qui m’a jeté par terre. J’ai perdu sainement 21 livres sans tomber dans l’excès inverse.

J’attends les résultats, mais d’ici là, je vais me permettre une certaine souplesse. Prendre une bonne bière ou un bon verre de vin.

Des fois, avant de souper.

Et si ça offusque quelqu’un,

Pppp!

Santé!

mardi 14 novembre 2017

Ça n’intéressera personne (première partie)

Dans Infoman, à la fin de l’année, on entend souvent “Vive le vent” à l’orgue. En transférant en MP3 mes meilleurs vinyles de Noël en préparation pour le 1er décembre, (si on veut les écouter, il faut bien les transférer un jour ou l’autre), j’ai remarqué qu’elle figure sur cet album. C’est “magnifique”.

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dimanche 12 novembre 2017

Saviez-vous, Monsieur Coiteux… (2015)

Souvenir de 2015…

« Il y a moyen de manifester sans perturber les activités des gens. »
Martin Coiteux, Président du Conseil du trésor,
12 novembre 2015

Saviez-vous, monsieur Coiteux, que l’action de manifester est une manière de rendre perceptible un sentiment ? Que par conséquent, cette action doit entrer en conflit avec autrui ? Je ne sais pas pour vous, mais personnellement dans une journée normale, je manifeste sans cesse et sans même m’excuser ! J’ai la chance d’avoir des collègues, des amis, une conjointe – ceux que vous appelez poliment « les gens » - qui acceptent allègrement que je perturbe leurs activités quotidiennes pour leur manifester des opinions, des mécontentements, mais aussi de l’affection.

Mais saviez-vous, monsieur Coiteux que même vous – oui vous ! – vous manifestez ? Par exemple, lorsque vous déposez en partenariat avec divers ministres des offres patronales, vous manifestez votre mode de gestion. Croyez-moi, votre moyen de manifester perturbe les activités des gens ! On peut se permettre d’évaluer que ce genre de manifestation, dans un contrat de travail, a comme impact de perturber quotidiennement des centaines de milliers de personnes pendant la durée totale de leur contrat de travail, soit cinq ans.

Saviez-vous, monsieur Coiteux, qu’à ce jour, les manifestations du secteur public ne totalisent même pas une semaine complète ?

Saviez-vous, monsieur Coiteux, que pour manifester en faveur de la liberté d’expression et contre le racisme, les Français se sont réunis dans les rues de Paris le 11 janvier 2015… et qu’ils étaient près de 4 millions ? Certainement, vous le savez. Vous le savez, parce que vous avez vu les images au Téléjournal et dans les journaux. Cette mobilisation a attiré les regards ; le message des Français s’est fait entendre. Et oui, cette journée-là, le Français moyen qui voulait se rendre au commerce du coin pour s’acheter des bidules est revenu chez lui la mine basse…

Vous le savez très bien, monsieur Coiteux, que par définition, manifester perturbe les activités des gens.

Mais vous savez que plusieurs personnes ne le savent pas et vos propos populistes sont navrants.

samedi 28 octobre 2017

La division par zéro

En mathématique, la division par zéro est problématique puisqu’elle n’est pas définie. Les limites nous permettent de mieux la comprendre.

* * *

Je pense fondamentalement qu’on aspire tous à devenir de meilleures personnes. Plus j’évolue dans le domaine de l’éducation et plus je constate que cette aspiration est intrinsèque en chacun de mes élèves, de mes collègues, de mes patrons, des parents de mes élèves, toutes catégories et générations confondues. Là où les idées divergent, c’est sur la définition de ce que peut être une « meilleure personne ».

Je me désole trop souvent à croire que pour beaucoup trop d’acteurs du monde de l’éducation, « être une meilleure personne » correspond à avoir un emploi payant : une ravissante et grande maison, un chalet bucolique sur le bord d’un lac, une belle voiture luxueuse, un fonds de pension bien garni, etc. En plus, c’est souvent un matérialisme dénué de profondeur intellectuelle : avouons qu’il est rare d’entendre une personne aspirant à la richesse dire que c’est dans le but de garnir une énorme bibliothèque, de se procurer un Steinway pour jouer du Stravinsky ou d’ajouter des films à leur collection des grands classiques du cinéma.

Demandez à des élèves de quatrième ou cinquième secondaire pourquoi ils vont à l’école et vous constaterez que leur réponse concernera quasi systématiquement l’argent ou le prestige.

À un élève vraiment démotivé, il y a quelques années, j’avais posé la question difficile : « pourquoi viens-tu à l’école? » :

- Je vais à l’école pour devenir avocat.
- Ah oui? Tu es passionné par le droit? Les lois?
- Hm? Non, vraiment pas!
- La justice? Tes amis trouvent que tu es de bon conseil? Tu aimes argumenter?
- Ben oui… mais pas tant que ça là…
- Avez-vous fait un débat en français? Comment as-tu trouvé ça?
- Oui, on en a fait un. J’ai haï ça… Ça prend plein d’organisation pis en plus j’étais pas d’accord avec ce que je devais défendre…
- Mais tu sais que si tu deviens avocat, tu vas avoir à faire ça très souvent…
- Ben, au moins, c’est payant.

* * *

Une division est composée d’un dividende, d’un diviseur et d’un quotient. Un dividende est l’élément que l’on divise, le diviseur est celui qui divise et le quotient est le résultat de la division. Observons la variation d’un quotient par rapport à celle d’un diviseur dont on diminuera la valeur graduellement :

image

Plus le diviseur se rapproche de zéro, plus le quotient est grand. Certaines personnes poseraient probablement l’hypothèse que lorsque le diviseur est zéro le quotient d’une division est l’infini…

* * *

Leurs parents et leurs enseignants leur ont répété depuis qu’ils sont tout petits : « Si tu ne vas pas à l’école, tu n’auras pas d’emploi et tu ne gagneras pas d’argent. » Cette phrase s’apparente à celle-ci, que j’ai entendue de nombreuses fois depuis que j’enseigne : « Va à l’école, sinon tu vas travailler au McDo toute ta vie! ». Cette phrase conduit malheureusement la réflexion de l’enfant vers une école profitable exclusivement au monde du travail.

* * *

Tentons de faire le même exercice avec des diviseurs négatifs qui se rapprochent de 0.

image

Plus le diviseur se rapproche de zéro, plus le quotient est petit. Certaines personnes poseraient probablement l’hypothèse que lorsque le diviseur est zéro le quotient d’une division est moins l’infini…

* * *

Je ne détiens pas la solution.

Affecté par une société qui rejette la culture générale et la curiosité au profit de l’enrichissement et du bien matériel.

Las d’une éducation contradictoire qui cherche à soigner son image en souhaitant à la fois la neutralité de ses employés et l’émancipation de ses élèves.

Saturé de voir ces parents astiquer leur enfant comme s’il s’agissait d’un trophée que l’on exhibe devant la visite.

Épuisé de ces gens qui associent la marque d’une voiture avec la réussite ou un veston griffé avec le succès.

Écœuré par ces valeurs superficielles au dénominateur.

Tanné de ne pas détenir de solution.

jeudi 26 octobre 2017

Les gens de ma horde…

Quand leur confort est en péril
Ils cachent leur fiel dans leur tanière
Les préjugés qui se faufilent
Fallacieusement dans leur prière
Gagnent du terrain et se profilent
Dans les bergeries débonnaires

Bien à la mode, ils mettent leur griffe
Sur les murs de tous les réseaux
Maudire leur raisonnement hâtif
Ne vous attirera que leurs crocs
Quand tous les faits alternatifs
Sont engloutis par le troupeau

Quand les débats les font rougir
Ils fardent de mauvais les saisons
Le meilleur se transforme en pire
Et le beau temps en dépression
Les grands-mères deviennent des vampires
Même dans le cœur du chaperon

Ils jettent de l’huile sur tous les feux
De paille et de mèche plus que courtes
Les mots sans bois sont malheureux
Dans les messages qu’ils écoutent
Fanaux et briques chez celles et ceux
Qui abominent et qui redoutent


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mercredi 25 octobre 2017

Banque

Œuvre de fiction

Monsieur Loiselle est un enseignant passionné qui enseigne à des élèves ordinaires. Il transmet depuis une trentaine d’années son amour de la langue en réservant une quinzaine de minutes à chacun de ses cours en parlant de l’étymologie d’un mot en particulier.

Huit heures moins cinq. La première cloche sonne. C’est le signal donné aux élèves afin qu’ils se présentent à leur cour. Conditionnement de Pavlov. Ça bourdonne, tout va vite. Sauf dans la classe de Monsieur Loiselle : c’est le calme avant la tempête. Mis à part le froissement des pages du journal que monsieur Loiselle tourne soigneusement et l’aspiration peu ragoûtante de sa dernière gorgée de café, aucun autre son ne se fait entendre.

Huit heures deux. Les élèves discutent encore, les pattes des pupitres grincent et monsieur Loiselle dépose son journal. Il écrit le mot « banque » au tableau. Comme monsieur Loiselle est un verbomoteur incomparable, ses élèves ont l’impression d’avoir un congé de cours durant ce temps-là. Or, Monsieur Loiselle sait très bien qu’avec son happening, il contribue à enrichir la culture générale de son public. Il sait que ses collègues disent dans son dos que c’est racoleur, mais il s’en moque bien.

À l’avant de la classe il colle trois chaises comme pour en faire un banc. Il demande à un élève volontaire de s’installer sur une des chaises. En imitant l’accent italien, il se présente à l’élève en lui disant qu’il peut lui prêter de l’argent à un certain taux d’intérêt.

Huit heures quatre. On cogne à la porte : un élève en retard. Monsieur Loiselle sort de son personnage pour aller répondre. Billet, retard non motivé, retard à consigner dans le dossier informatisé de l’élève, retenue le soir à donner à l’élève, message au dossier de l’élève pour aviser les parents.

Huit heures sept. Le groupe attend. Monsieur Loiselle reprend son personnage en sortant un billet de cent dollars et en proposant à l’élève de lui prêter. On cogne à la porte à nouveau. Un autre élève en retard. Billet, retard motivé : « appel mère OK », retard motivé à consigner dans le dossier informatisé de l’élève. Tant qu’à y être, aussi bien consigner les absences. Josée est absente.

Huit heures dix. Le groupe attend. Monsieur Loiselle reprend son personnage et malgré sa grande expérience, il en oublie un peu où il était rendu. On cogne à la porte une troisième fois. Josée. Monsieur Loiselle abandonne son activité traditionnelle, le groupe ne suivait plus de toute manière.

Billet, retard non motivé : « mais mon père va motiver ce soir », absence à transformer en retard non-motivé dans le dossier informatisé de l’élève note sur un post-it : « vérifier motivation Josée ». Confiant, il espère tout de même que quelques-uns ont compris que les banquiers lombards du nord de l’Italie accomplissaient leur travail dans des lieux ouverts et s’installaient sur des bancs.

Quinze heures cinq. Vérification des motivations. Retard non motivé. Reprise de temps à préparer.

Pour des gens qui ont soi-disant toujours tort, ils accaparent beaucoup d’attention, ces absents…

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lundi 24 juillet 2017

La mathématique de l’embouteillage

Cet article dans le Devoir de ce matin me rappelle cette vidéo publiée sur le blogue de Line.

L’article propose comme possible solution de donner à l’État un rôle plus grand dans le choix « égoïste » des automobilistes (en bloquant des rues, par exemple).

La vidéo propose de rendre intelligentes les voitures afin de minimiser les distances à parcourir. Elle sensibilise aussi les gens à une conduite plus efficace (et respectueuse) : suivre de près un autre automobiliste est néfaste et cause des bouchons de circulation.

Et si la solution aux embouteillages se trouvait dans l’éduction?

lundi 17 juillet 2017

Pensée impure de droite sur l’éducation – L’éducation Maxi

Je suis généralement (drastiquement?) à gauche politiquement. Je n’aime pas le cacher. Mais aujourd’hui, j’ai magasiné chez Maxi pour mon épicerie. (Ben oui, Maxi)… Je ne fais jamais ça. J’ai d’ailleurs été surpris du fait qu’il fallait mettre 1$ pour « louer » un panier d’épicerie. C’était la première fois que ça m’arrivait.

Heureusement, on m’a remis mon 1$ à la fin de mon « séjour inoubliable ».

Étrangement, aucun panier d’épicerie ne traînait dans le stationnement voisin de l’autre épicier.

Étrangement, aucun panier n’avait égratigné ma voiture comme en 2011, dans une autre épicerie.

Étrangement, dans l’épicerie, aucun panier vide ne traînait là pour rien.

Ironiquement, c’est comme si le civisme avait coûté quelque chose : un emprunt de 1$ à un taux d’intérêt de 0%.

On jase là… mais si on louait l’éducation d’un élève à un prix dérisoire par rapport à sa valeur réelle. Disons, au secondaire, 100$ par cours. Mathématique : 100$ pour l’année. Français : 100$ pour l’année. L’élève paie 100$ pour chaque cours qu’il suit. S’il suit le cours et le réussit sans le laisser traîner n’importe où dans le stationnement comme un panier d’épicerie, il récupère son 100$ à la fin de son cours. Ça reste de la gratuité scolaire, mais de la gratuité scolaire assez à droite… dois-je avouer!

Avant de sauter trop vite aux conclusions (parce que je vous connais quand même assez bien), sachez que je suis moi-même contre ma propre idée, mais je la lance quand même comme piste de solution. Suite à la lecture du Prof masqué à propos des cours d’été, j’ai eu l’idée de l’éducation « Maxi ». Si 1$ sensibilise les gens par rapport au coût d’un panier, il doit bien y avoir un coût pour sensibiliser la valeur de l’éducation…

On me dira sûrement que les problèmes d’éducation ne devraient pas être monnayables et que les gouvernements ne devraient pas faire de l’argent sur le dos d’un échec scolaire et j’en suis totalement d’accord. Je pense tout simplement qu’il faut trouver un moyen pour forcer les fainéants à remettre leur panier dans l’enclos à panier.

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dimanche 16 juillet 2017

Chérubin

Enfants du voisinage (je dirais qu'ils ont environ 4 ans) :

- Regarde! Un chérubin!
- Il faut le tuer! TUONS-LE!
- Silence...
- Maman, j'ai faim!

Je ne pense pas qu'à 4 ans, le mot « chérubin » faisait partie de mon vocabulaire... Cependant, je ne crois pas que l'apparition d'un chérubin soulève en moi haine et appétit...

Ange, Chérubin, Symbole, Le Ciel, La Religion, Statue

vendredi 14 juillet 2017

Lettre au marketing

Mon très cher marketing,

Tes méthodes draconiennes me laissent généralement de glace. Tu as déjà tenté de me vendre des bonbons d’Halloween au mois d’août… Tu as déjà tenté de me vendre des décorations de Noël avant l’Halloween… Tu as déjà essayé de me vendre du chocolat de Pâques avant le carême… Tu me fais acheter des cadeaux à la fête des mères, à la fête des pères, à la St-Valentin…

Mais envoyer de la publicité pour la rentrée scolaire un 14 juillet à un enseignant, marketing, ça devrait être illégal.

Au plaisir,

Anthony

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mercredi 12 juillet 2017

Les roux, retournez dans votre pays!

Et si un chroniqueur du Journal de Montréal – appelons-le Richard Martineau – écrivait un article sur les roux? Ça ressemblerait à quoi? Je me suis amusé à calquer son style et je crois que ça donne quelque chose de drôle. Bon, le procédé est strictement humoristique et caricatural. Commençons…

On va se dire les vraies affaires : on ne naît pas roux, on le devient! Et si les bien-pensants de ce monde croient que cette couleur ostentatoire n’a rien à voir avec les choix qu’une personne fait dans sa vie, expliquez-moi pourquoi au Moyen Âge, la grande majorité des sorcières et des charlatans étaient roux? Hasard?! Mis à part quelques exceptions, comme André Robitaille et Ed Sheeran, pourquoi ces gens-là ne se retrouvent pas sur nos écrans? Hasard?! Dites-moi pourquoi les chefs d’entreprises, les big boss, les cadres administratifs, les dirigeants sont à plus de 99% des gens ayant une couleur de cheveux normale? Hasard?! Avez-vous déjà vu un premier ministre roux? Non? Hasard?!

UN QUÉBEC DE MATANTES

Avouons-le : si on garde les roux dans notre société, c’est uniquement pour plaire aux matantes qui les trouvent si mignons. Vraiment? Juste parce qu’un tit-cul tond votre pelouse à un prix dérisoire, mesdames, vous surprotégerez tous les roux? Parce qu’UN SEUL roux a été gentil avec vous en septembre 1994, vous allez tous les béatifier. Quelle généralisation hâtive!

Pendant que la go-gauche nous fait de beaux discours sur l’acceptation des autres, elle oublie certainement l’investissement COLOSSAL qui est fait pour pallier aux problèmes des enfants-roux dans les écoles primaires et secondaires du Québec. Comme si nos taxes étaient utilisées comme une vulgaire carte de crédit pour se payer des zinzins : shlick-a-shlick pour un programme contre l’intimidation par-ci, shlick-a-shlick pour des services de psychologie par-là… Un moment donné, ça suffit le gaspillage!

RÉVEILLEZ-VOUS!!

J’espère que les parents qui ont des enfants qui veulent devenir roux vont se réveiller une fois pour toutes : nous n’avons plus le luxe de noyer notre identité culturelle avec des têtes de paprika!

Quand un roux gagne une médaille aux jeux Olympiques, les médias se pâment devant son talent et publient sa belle face de courge butternut mur à mur, médaille en main. Si on surpubliait ainsi des gens aux cheveux bruns, noirs ou même gris dans les médias, on crierait au scandale, à la standardisation et à la mauvaise propagande, mais comme on fait la promotion d’un pouding à l’orange, là, c’est correct!

KUMBAYA

Pendant ce temps-là, notre premier ministre fait comme si de rien n’était et continue de gaspiller NOS fonds publics sur des pacotilles. Cette affaire est SCANDALEUSE! Quand va-t-on comprendre que ce n’est pas en se tenant la main et en chantant, la tête dans le sable qu’on va régler les vrais problèmes?


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lundi 3 juillet 2017

Le « beigne-poutine » de Tim Horton

J’aime beaucoup les soirées électorales. Je me souviens d’un soir de 2004, j’avais 20 ans, mes amis et moi avions travaillé pour le bal des finissants de Nicolas-Gatineau. Parce que mon père était l’animateur et l’organisateur principal, nous avions eu un contrat pour filmer la soirée et pour faire la promotion du « cédérom des finissants » et de la « VHS des finissants ». Wow! Ça fait juste 13 ans et on dirait que ça en fait 30! Bref, nous n’avions pas besoin de travailler jusqu’à la toute fin du bal et nous étions rentrés assez tôt pour voir les résultats des élections fédérales. C’était le 28 juin 2004. On s’était installé devant la télé, chez mes parents avec une bonne bière bien méritée – filmer pour le bal m’épuisait intellectuellement et me déprimait, en parler serait très long… ça mériterait un autre billet – et on écoutait les discours des gagnants et des perdants.

- Anthony, c’est quoi le rapport avec le « beigne-poutine » de Tim Horton?

Je commençais à peine à être curieux par rapport à la politique. Heureusement, dans ma vie, mes parents m’ont fait écouter Elvis Gratton très jeune. J’ai regardé les Bye bye et les festivals Juste pour rire. Mon éducation politique, même si elle était bien faible, se faisait grâce à l’humour. Puis, j’ai lu Falardeau. Plus tard, j’ai lu Bourgeault. Mes opinions ont été à gauche, puis à droite, puis à gauche.

- Anthony, tu m’énerves… avec ton titre, tu nous avais promis un article sur le « beigne-poutine » de Tim Horton!

Si j’ai pu développer mon esprit critique, c’est principalement grâce aux médias : parce que j’ai regardé la télévision, parce que j’ai écouté des entrevues, parce que j’ai lu des articles. J’ai pu faire des choix à l’image de mes opinions.

- Et le « beigne-poutine » de Tim Horton, tu en penses quoi? Ça t’amuse ou ça te dégoûte?

J’ai la chance d’enseigner un cours optionnel depuis cinq ans sur le montage vidéo. Le cours a souvent changé de nom parce que j’ai toujours du mal à prendre une décision sur la direction globale de ce cours. L’an prochain, j’aimerais apporter un volet critique sur le rôle des médias. J’aimerais que mes élèves réfléchissent à la valeur d’un article, ou d’une entrevue, ou d’un documentaire sur un sujet « x » traité par tel média et qu’ils comparent cette valeur à un même sujet traité par un autre média…

- Ce n’est pas sérieux du tout ton billet, Anthony… Parle-nous de sujets qui nous intéresse vraiment!

Ainsi, ils pourraient avoir un meilleur esprit critique et choisir des sources fiables lorsque vient le temps de faire une rechercher ou de faire le montage d’un reportage ou d’un documentaire.

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jeudi 29 juin 2017

Encyclopédie « vivante »

Quel article troublant!

« Selon les autorités du Minnesota, le jeune homme de 22 ans aurait convaincu sa petite amie de lui tirer dessus tandis qu'il serrait une encyclopédie contre son propre torse. Pedro Ruiz lui aurait montré une autre encyclopédie, celle-ci pénétrée mais pas traversée par une balle, prouvant ainsi que le livre le protégerait, affirme la police. »

Le but était donc de créer une vidéo dangereuse virale dans laquelle le pauvre jeune homme survivrait à l’utilisation d’une encyclopédie comme veste pare-balles.

Je croise de plus en plus de sportifs qui croient qu’ils sont de bons sportifs parce qu’ils ont l’équipement dernier cri… Croyez-moi, on a beau avoir le chandail en lycra qui respire le mieux par les aisselles au monde, ce n’est pas ça qui fait de nous un grand sportif.

Je croise de plus en plus d’adeptes de cinéma et de tournage (notamment plusieurs élèves) qui croient qu’ils sont de bons vidéastes parce qu’ils ont l’équipement dernier cri… Je dis souvent à la blague à mes élèves : « Si vous aviez le meilleur crayon au monde, pensez-vous vraiment que vous seriez un bon écrivain? »

Bref… tout ça pour dire que ce n’est pas parce que tu as une grosse encyclopédie que tu es nécessairement intelligent!

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mercredi 28 juin 2017

Schtroumpf alors!

Schtroumpf adolescent en 2016 :

« On a bien schtroumpfé! »

Schtroumpf adolescent en 2017 :

« On a bien schtroumpfe! »

2017 : L'année où les adolescents ont cessé de conjuguer.

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lundi 26 juin 2017

Je n’aime pas mes élèves

Cette lettre, parue dans le Devoir, me fait réfléchir sur la nature de la relation entre un enseignant et ses élèves. Elle me fait réaliser que jamais je n’aurais pu être l’auteur de cette lettre, et ce, même si certains élèves se sont déjà confiés à moi. On enseigne à toutes sortes d’élèves : des studieux, des délinquants, des tristes, des joviaux, des indifférents, des élèves de droite, des élèves de gauche, des homosexuels, des homophobes, des racistes, … bon, vous comprenez l’idée.

Certains enseignants (heureusement, ils existent) développent un lien affectif avec une bonne majorité de leurs élèves, et c’est tant mieux. Beaucoup d’élèves s’accrochent à ce lien et restent à l’école malgré leur dégoût pour la rigueur que demande l’apprentissage. Il y a des élèves qui ont une vie de punching bag… des élèves qui sont propriétaires de secrets pénibles qu’ils ne racontent qu’à une infime partie de leur entourage. Certains de mes élèves m’ont déjà livré des confidences. Je crois honnêtement que j’ai une bonne oreille pour les écouter. Je peux leur donner des conseils, mais généralement, je les réfère à quelqu’un de spécialisé. C’est certain que je suis content lorsqu’on m’informe que l’élève a appris à grandir malgré ses difficultés, mais – peut-être égoïstement, ça s’arrête là.

Suis-je donc cet enseignant froid de quatrième et cinquième secondaire qui ne s’intéresse pas de la vie de ses élèves? Et si oui, est-ce que c’est mal? Je ne crois pas. S’il y a toutes sortes d’élèves, je présume qu’il y a aussi toutes sortes d’enseignants… Je me remets dans le contexte et il me semble que je n’exigeais pas ça de mes enseignants au secondaire.

N’allez pas croire que je juge cette enseignante qui termine sa lettre en disant « Je t’aime » à son élève, au contraire. Je ne fais que me remettre en question sur le phénomène. Mais, je dois avouer que je ressens un malaise lorsque je me mets, en tant qu’enseignant, dans la même situation.

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Mes enseignants ne m’aimaient pas… Je pense… Ils m’appréciaient fort certainement, mais ça s’arrêtait là.

Je n’aime pas mes élèves… je les apprécie tous à un niveau différent et j’ose même dire que dans certains cas, ce niveau est à zéro…

Et si j’écrivais une lettre ouverte à un élève que je n’apprécie pas, j’aurais sans doute le même malaise à lui dire « Je ne t’aime pas ».

dimanche 25 juin 2017

L’examen n’était pas trop difficile…

Mais c’était un examen beaucoup plus difficile que celui de l’an passé.

On en a parlé ici et ici.

C’était un examen difficile. Mais honnêtement, si j’avais été l’auteur de cet examen, j’en serais probablement fier, puisqu’il couvrait toute la matière de l’année. Quand je pense à mes élèves, je comprends pourquoi ils en ont eu peur. Je comprends pourquoi la petite Monique (nom fictif, évidemment) est sortie de son examen en pleurant.

Le principal défaut de cet examen est qu’il ne suivait pas la tendance des dernières années. Et il devient difficile pour les élèves et les enseignants de savoir quelle année correspondra à un examen facile et quelle année correspondra à un examen difficile. Ne devrait-on pas toujours s’attendre à un examen de même difficulté?

Faisons l’historique des examens du cours de mathématique SN4. Le premier examen date de juin 2009. C’était une épreuve d’appoint. Ce genre d’examen permet au Ministère de faire des tests et aux enseignants d’exercer leur jugement critique. Comme le programme était nouveau, les enseignants pouvaient choisir de modifier l’examen (par exemple, d’annuler une question) ou de modifier la valeur finale de l’examen. L’examen évaluait à ce moment trois compétences et comportait 10 questions à développement.

En 2010 et 2011, les examens comportaient 7 questions à développement et évaluaient deux compétences aujourd’hui. C’était encore des épreuves d’appoint. Notons que l’examen de 2011 était à mon avis l’examen le plus difficile conçu par le Ministère de l’Éducation en SN.

C’est en 2012 qu’on a commencé à voir la forme d’examen « conventionnelle » qui rappelait un peu les examens que l’on voyait en mathématique 436 (avant 2009). Si on s’attarde au niveau de difficulté des examens de 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 on constate que celui-ci diminue avec le temps. Évidemment, je ne vais pas relater ici les détails de chacun des examens, mais je constate qu’avec les années, le nombre d’étapes pour faire un problème a diminué.

Parenthèse. Le ministère évalue la compétence d’un élève à émettre une conjecture, à faire une preuve ou à faire un contre-exemple. Le seul problème est qu’il pose une ou deux questions à ce sujet par année. Le problème est qu’en agençant un des trois types de questions à un des 8 chapitres de l’année, le hasard fait que c’est beaucoup plus facile de faire une preuve géométrique avec des valeurs numériques qui ne varient pas que de faire une conjecture avec deux variables et trois exemples dans le chapitre de la fonction linéaire (ou encore plus complexe, de la fonction quadratique). Fin de la parenthèse.

Entre 2012 et 2016 :

- Le niveau de difficulté des épreuves ministérielles diminuait ;
- La complexité des questions diminuait ;
- Le temps pour faire l’examen diminuait ;
- On agençait moins souvent la (ou les) question de preuve/conjecture/contre-exemple avec des chapitres difficiles.

Et maintenant :

- Le niveau de difficulté a augmenté ;
- L’examen présentait une preuve géométrique et une conjecture algébrique avec la fonction du second degré.

On ne se cachera pas qu’avec un peu de recherche, les étudiants peuvent avoir accès aux examens antérieurs qui se trouvent sur Internet. Ils ne sont pas dupes : ils ont bien vu que l’examen était plus facile en 2016 qu’en 2017.

C’est comme si on faisait faire des examens de conduite à 9 personnes. Que les 3 premières personnes avaient droit à un examen de pratique et que si jamais ça allait mal pour ces trois personnes, on leur dirait qu’on allait voir comment les cours se sont passés... Que les 5 personnes suivantes avaient eu des examens réguliers sur des routes de campagne en ayant un stationnement régulier à faire et que finalement la dernière personne avait eu un examen dans le centre-ville de Montréal avec deux stationnements en parallèle à faire.

Lorsqu’on bâtit un examen truffé de pièges, je crois qu’un glissement se fait dans l’apprentissage : on n’enseigne que les pièges au détriment de la compétence elle-même. Je serai le premier à dire qu’on doit niveler vers le haut en termes d’attentes envers nos élèves, mais on doit le faire graduellement, avec de bons outils.

De plus, je sais qu’on me répétera qu’il pourrait y avoir des fuites, mais ne devrait-on pas fournir précisément les critères d’évaluation aux enseignants avant l’examen? Pour celles et ceux qui sont moins au fait, les enseignants reçoivent les précisions quant aux critères d’évaluation après la passation de ce dernier et cela crée généralement (dans les deux sens) une dichotomie entre la manière dont l’enseignant a évalué durant l’année et la manière exigée par le ministère à la fin de l’année.

exam maths

Le meilleur exemple est l’évaluation de la conjecture. Le ministère exigeait toujours que l’élève fasse au moins trois exemples pour appuyer sa conjecture. Cette année, il n’en exigeait que deux. Sauf que la majorité des enseignants ont demandé à leurs élèves de faire trois exemples comme les années antérieures. Cela rendait le problème beaucoup plus long à résoudre.

Je veux que ma critique soit constructive. Voici donc mes recommandations :

- Évaluons les élèves en fournissant aux élèves et aux enseignants le maximum d’informations sur les critères d’évaluation ;
- Gardons toujours le même niveau de difficulté dans les examens finaux ;
- Gardons toujours le même niveau de complexité dans les examens finaux (ainsi le temps de résolution sera plus court) ;
- Évitons de remplir l’examen de pièges futiles qui n’évaluent pas la connaissance, mais qui évalue l’aptitude à bien réagir au piège. Utilisons plutôt cette stratégie afin de discriminer l’élève moyen de l’élève fort…

Cela nous évitera probablement de chercher des solutions une fois les faits accomplis…

vendredi 23 juin 2017

Lettre à Sarah Parent-Roy

Chère Sarah, je veux premièrement te présenter. Tu es un personnage fictif qui m’a été inspiré par plusieurs de mes élèves au courant des dernières années, mais aussi par des histoires racontées par des collègues et des trucs lus dans les journaux. Je ne voudrais pas citer « Les Respectables », parce que ça serait d’un goût douteux, mais « toi, tu es un amalgame ». Tu ne te reconnaîtras pas puisque j’ai pris la peine de modifier les détails des circonstances, mais les événements sont presque arrivés ainsi.

Tes parents sont les Parent-Roy. C’est surtout d’eux que je veux te parler. Si je m’adresse à toi, plutôt que directement à eux, c’est que je pense qu’il est trop tard pour changer leur comportement. Malgré cela, si je peux au moins te faire prendre conscience de la mauvaise conduite qu’ils ont eue envers toi, peut-être que tu ne les répéteras pas le jour où tu auras toi-même des enfants qui iront à l’école. De plus, c’est une manière détournée de m’adresser à eux indirectement : ils sont si obnubilés par ta personne qu’à leurs yeux une lettre qui s’adresse à toi aura plus d’impact qu’une lettre qui s’adresse à eux…

Un jour, tu faisais la fofolle dans la classe puis ça m’énervait. Même si je te demandais d’arrêter, tu continuais. Puis, je t’ai demandé de rester à la fin du cours et comme j’étais dans ton chemin, tu es sortie de la classe en me poussant. Je n’étais pas blessé, bien sûr, mais tout de même à l’envers de voir qu’une élève de cinquième secondaire puisse avoir si peu de respect pour son enseignant. Nous avons rencontré la direction avec tes parents puis le directeur t’a demandé de sortir un temps pour qu’on discute seulement avec eux quelques instants. J’ai eu cette discussion avec ton père (P) et ta mère (M) :

- (P) Vous savez monsieur, ma fille ne vous a pas poussé.
- (A) Oui, je vous assure, elle l’a fait devant tous les élèves de la classe.
- (M) Non, ce que mon mari essaie de vous indiquer, c’est que Sarah nous a expliqué qu’elle ne vous a pas poussé. Nous connaissons très bien Sarah et elle ne nous ment jamais.
- (A) Je ne suis pas certain de vous suivre là. Il n’y a pas de doute sur le fait qu’elle m’a poussé. Ma collègue était dans le corridor et elle a vu Sarah me pousser. Il y avait des témoins.
- (P) Peu importe si ce que vous me dites est vrai, pour Sarah, dans sa tête, elle est convaincue qu’elle ne vous a pas poussée. C’est pourquoi elle ne vous fera pas d’excuses.

Tu vois… Tes parents ont un tel respect pour toi qu’ils sont prêts à endosser tes mensonges à leur place.

Si l’amour rend aveugle, l’amour filial flirte avec la mythomanie.

Ça me rappelle une autre fois où tu n’avais pas fait ton devoir pour la troisième fois en peu de temps. Tu étais plus jeune, en première secondaire et tu as reçu un travail supplémentaire (la copie du règlement de l’école dans l’agenda, par exemple). Le soir, ta mère m’écrit un courriel. En gros, ça va comme suit (je t’épargne les fautes d’orthographe) :

« Bonjour monsieur, Je vous écris pour vous aviser que Sarah ne fera pas sa copie puisque si elle n’a pas fait son dernier devoir, c’est de ma faute. Nous sommes en train de faire des rénovations puis Sarah a eu du mal à dormir. Merci de votre compréhension. »

Ces courriels m’impressionnent chaque fois, car ils débordent de paralogismes. En plus, qui me prouve que c’était bien ta mère qui avait envoyé ce courriel? C’est peut-être moi qui manque d’empathie ou le courriel qui manque d’informations, mais je me suis contenté de répondre à ta mère qu’elle ne devrait pas prendre le blâme à ta place puisque nous avions eu du temps en classe pour faire ce devoir et que tu avais accumulé trois devoirs non faits. Ça arrive de ne pas faire ses devoirs pour une bonne raison : c’est pourquoi je laisse une première et deuxième chance avant de donner des conséquences.

Le lendemain matin, tu n’avais pas fait ta copie et ta mère s’est pointée à l’école, devant mon local pour m’interpeller avant la première période de cours. Elle était arrivée avant moi, papiers à la main.

- (M) Bonjour, je suis la mère de Sarah, on s’est écrit hier.
- (A) Bonjour, enchanté. J’espère que je me suis bien exprimé hier, vous avez compris la situation?
- (M) Oui, tout à fait, je voulais m’excuser d’ailleurs. Vous ne pouvez pas savoir, mais quand une mère voit pleurer sa fille, c’est toujours difficile… et je comprends tout à fait votre position. Sarah en était à son troisième devoir non fait. C’est pourquoi je vous remets sa copie. C’est moi qui l’ai faite.

Tu as bien lu Sarah. Ce matin-là, ta mère a fait ta copie à ta place. Si tes larmes n’étaient pas celles du crocodile, elles étaient celles d’une élève de première secondaire voulant fuir l’adversité. Ça a touché le cœur de ta mère, tu as réussi à la faire sentir coupable de trois devoirs non faits, puis tu l’as sans doute remerciée de t’écouter et te comprendre. Ça t’a consolé et ça a flatté l’ego de ta mère.

De La Fontaine disait dans le Corbeau et le Renard : « Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. »

Tu as vécu une panoplie d’anecdotes comme celle-là : tes parents ont déjà motivé une absence à un cours x pour que tu étudies pour un cours y… Ils ont déjà demandé à tes enseignants de ne pas enseigner de nouvelles notions lorsque tu étais absente… Ils ont demandé à tes enseignants de modifier la date d’un examen parce que vous partiez en voyage…

Une fois, tu as fait du plagiat. Dans un examen, dans ton dictionnaire, tu as soigneusement collé un texte qui provenait de l’Internet. Ton jeune âge et ton manque d’expérience t’ont trahi : préalablement, tu as saisi les mots clés de la question sur Google et tu as pris le premier site qui est sorti. Je m’en suis rendu compte immédiatement après une recherche de deux secondes. Tu as obtenu la note de « 0 » pour ton examen.

Tes parents sont alors débarqués à l’école, avec cape et caleçon par-dessus leurs collants moulants comme de grands superhéros de la justice et de l’équité. Super-parents! Générique!

Chanson thème (sur la mélodie du thème de Pokémon) :

« Je serai le meilleur défenseur,
Pour tes prouesses, mon enfant,
Je te porte toujours près de mon cœur,
Oui, c’est moi! Super-parent!

Tu ne seras jamais victime,
Tu ne seras jamais mécontent,
J’aurai le dessus sur tous les crimes,
Oui, c’est moi! Super-parent! »

Super parent

Fin du générique. D’accord, j’admets que je romance un peu ici. Dans le bureau de ton directeur (D) d’unité, ils ont réclamé de me rencontrer. Ils refusaient que je te donne la note de 0% pour ton examen. Voici la discussion que j’ai eue avec ta mère (en passant, cette fois-là, ton père n’a pas dit un mot) :

- (M) Ce n’est pas juste que Sarah ait 0% pour une toute petite erreur!
- (D) Ce n’est pas la première année de Sarah à l’école. Elle connaissait le règlement depuis longtemps et malgré tout elle a copié son travail. Elle doit subir la même pénalité que les autres.
- (M) – En s’adressant à moi – Mais c’est injuste, car elle n’a pas plagié la totalité de son travail, vous devriez au moins corriger la partie qui n’a pas été plagiée.
- (A) Soyons honnêtes, son examen compte pour 20% de la compétence 1, qui elle compte pour 40% de la première étape qui elle, compte pour 20% de l’année. L’examen représente 1,6% de l’année. La pénalité de Sarah sera simplement symbolique.
- (M) : Je comprends que ça ne représente pas beaucoup, c’est pour le principe!

Le principe. Nom masculin. « Proposition, posée et non déduite, qui sert de base dans un raisonnement. » Source : Dictionnaire Antidote. La base du raisonnement de ta mère est donc de compartimenter une faute pour appliquer une pénalité uniquement sur les sections fautives. Prenons une balade en voiture d’une heure. On trouverait cette situation absurde dans cette analogie : « Monsieur l’agent, j’ai peut-être roulé à 140 km/h sur l’autoroute, mais seulement durant une minute de mon voyage. Donc je devrais avoir une contravention d’une valeur d’un soixantième de la contravention habituelle. » Le principe devrait plutôt être d’appliquer la même règle pour tous : dès qu’on vous prend à dépasser la limite permise, on vous donnera une contravention. Dès qu’il y a un plagiat, la note est de 0%. Le principe.

Cette fois-là, ta mère a gagné parce que je n’avais plus d’énergie à canaliser pour un symbole « anti-plagiat » qui, de toute manière, était dilué par la société de consommation dans laquelle tu vis. Avec le piratage de la musique, de la littérature et du cinéma ; avec ces politiciens qui reprennent mot pour mot les discours des autres et réussissent à se faire élire ; avec l’affaire Claude Robinson… difficile de te faire comprendre pourquoi le vol de la propriété intellectuelle est si nauséabond.

Sarah, il y a plein d’anecdotes comme celle-là qui existent à ton sujet et au sujet de tes parents. J’aimerais te dire que tu es intelligente, que tu es belle et que tu es capable. Mais ça, tout le monde te l’a toujours dit.

Sans te dire le contraire, j’aimerais plutôt t’apprendre que c’est normal à l’école, comme dans la vie en général de faire des erreurs, de se trouver moche puis d’en arracher. Apprends à te relever de ça. Ça fera de toi une femme beaucoup plus forte et épanouie. Tu auras plus de courage quand viendra le temps d’affronter les moments difficiles. Tu auras le privilège de pouvoir remettre en question certaines de tes décisions.

Et à ce moment-là, vêtue d’une cape et d’un caleçon par-dessus tes collants moulants, tu seras Super-Sarah!

mardi 20 juin 2017

Esclaves

L’école devrait avoir comme mandat de rendre ses élèves plus libres. Elle devrait les aider à penser par eux-mêmes et à avoir un meilleur esprit critique.

Pessimisme en voyant cette œuvre. Je n’en connais malheureusement pas l’auteur…

Esclave du mercantilisme.

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Tu caches un trésor

Je vais choisir un nom au hasard pour mon élève : Jonathan.

En cuisine, il y a le plat, et il y a la garniture.

Quand un critique culinaire chipote à propos de la garniture, je le juge un peu…

À la fin de chaque étape, au secondaire, on doit laisser un message à nos élèves. Parfois, c’est nécessaire, parfois, c’est une question de « garniture ». Quand tu commentes un élève de quatrième secondaire, au mois de septembre, sur la qualité de son écriture mathématique, je trouve que tu ressembles à un critique culinaire qui met l’accent sur la garniture… Est-ce nécessaire? C’est un autre sujet.

À la fin de l’année, le commentaire n’est plus obligatoire! Quelle ironie! J’ai cependant eu l’idée d’en ajouter un à un élève qui le méritait vraiment…

Remarque importante : un bulletin du secondaire vous suit toute votre vie. Vous en avez besoin pour être accepté dans beaucoup d’emplois.

Anecdote : On est au dernier cours. Un élève me nargue. C’est un examen. Il « termine » son examen de 70 questions en 30 minutes. Alors qu’il a « fini », il dérange les autres, il fait du bruit, me demande d’aller chercher du travail pour les autres cours (je le laisse faire et revient avec rien, donc je sais qu’il m’a nargué) … Je veux qu’il reste dans la classe après la cloche pour discuter de son comportement discutable… On ne peut pas finir l’année ainsi! Il quitte la classe avant la cloche en me disant « Ben là? Qu’est-ce que tu vas faire? »

Il m’a traité comme si j’étais impuissant face à son geste provocateur.

… Comme je le disais ci-haut, généralement, à la fin de l’année, sur un bulletin, les enseignants ne laissent pas de commentaire.

… J’ai fait une exception pour… Jonathan.

Voici mon dernier commentaire :

« Ton attitude au dernier cours m'a beaucoup déçu, Jonathan. Je te demandais une consigne simple et tu ne l'as pas respectée. Tu as quitté la classe sans vouloir me parler pour qu'on règle les choses. Avec une telle attitude, chose certaine, si j'étais un employeur, je ne t'engagerais pas. »

Bonne chance pour remettre ton bulletin à tes employeurs, Jonathan!

mercredi 7 juin 2017

La brosse à dents en classe : pour ou contre?

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, je vous apprends sûrement que la nouvelle mode chez les élèves, depuis quelques mois, est d’apporter leur brosse à dents en classe. Ce sont de nouvelles brosses à dents électriques, beaucoup plus petites que celles qu’on connaît à ce jour qui peuvent servir aussi de crayons, de stylos, de gomme à effacer, d’ustensiles, etc.

Grâce à un écran déroulant sur le côté du manche, on peut lire quelques statistiques : combien de fois on se brosse les dents par jour, quels sont les risques que l’on développe des caries, etc. Comme l’appareil est muni d’une caméra vidéo et de plusieurs senseurs, une application de correction facilite l’écriture du français avec l’outil « crayon ». Il y a aussi un compteur de calories qui leur permet d’être conscients de leur alimentation avec l’outil « ustensiles ». Un véritable couteau suisse moderne!

Cependant, depuis l’apparition de cet appareil, je constate que mes élèves passent de plus en plus de temps à se brosser les dents… machinalement, sans réfléchir à ce qu’ils font. Ils ne se soucient plus de leur santé dentaire, ils ne font qu’accumuler de bonnes statistiques afin de les comparer à celles de leurs confrères de classe. Et évidemment, je ne peux garder sous silence toute l’intimidation que vivent les élèves qui n’utilisent qu’une brosse à dents standard.

Évidemment, en classe, l’utilisation de la brosse à dents est interdite, mais comme l’objet est petit et peut se confondre avec un simple crayon, il est très difficile d’intervenir systématiquement avec chaque élève qui sort sa brosse à dents. Vous vous leurrez si vous croyez qu’il est facile de les repérer : dès que vous avez le dos tourné, ils sortent leur brosse. Après, retournez-vous et essayez d’identifier l’élève qui avait activé illégalement son appareil… Même Luc Langevin en serait incapable…

L’administration de mon école a bien tenté d’interdire totalement la brosse à dent au sein de son établissement, mais plusieurs parents se sont plaint : « Comme puis-je m’assurer de la santé dentaire de mon fils si je ne peux pas suivre ses statistiques en ligne ?», demandait une mère, inquiète. « Nos jeunes sont nés avec cette technologie entre les mains et elle fait partie intégrante de leur quotidien. En tant qu’enseignants, vous devrez vous adapter à cette nouvelle réalité. C’est un changement de culture! », affirmait un autre parent.

Pour mes amis qui ne sont pas en enseignement, cessez d’y croire, car c’est faux. C’est mon invention. Il n’y a pas de brosse à dents électrique en classe. Par contre, chaque année, il y a un nouveau gadget qui apparaît dans nos classes.

Je fais une parenthèse ici, mais dernièrement, les élèves se sont procuré des « finger spinners ». Jusqu’à maintenant, je n’en ai vu que trois dans mes classes, mais si j’en crois mes collègues du primaire, bientôt, presque tous les élèves en auront un. Je ne comprends vraiment pas l’attrait de ce jouet : de mon point de vue, c’est un roulement à billes. Les élèves font tourner leur bébelle et la regardent, hypnotisés… Cette mode sera probablement éphémère. Vous vous rappelez qu’au mois de septembre, on parlait de Pokémon Go? Ça ne fait même pas un an! En 2006, les filles dans mes classes avaient toutes un petit miroir et se maquillaient pendant les cours. Cette mode n’existe plus.

Parenthèse close. Revenons aux téléphones cellulaires, car c’est surtout de ça que je voulais parler. Je crois ne pas me tromper si je dis que plusieurs écoles secondaires au Québec, plusieurs Cégeps et probablement plusieurs Universités se questionnent sur l’utilisation du cellulaire en classe. « Le téléphone cellulaire dans nos établissements : pour ou contre? »

Rappelez-vous qu’il y a quelques minutes, vous trouviez complètement absurde que des élèves aient une brosse à dents en classe… Non seulement on se dit que l’objet n’a pas sa place en classe, mais on ne comprend même pas comment il a pu y entrer! Pourquoi un élève aurait eu l’idée farfelue d’apporter une brosse à dents en classe? Ou une corde à danser? Ou un roulement à billes? Ou une bicyclette?

Selon cette étude (http://cep.lse.ac.uk/pubs/download/dp1350.pdf) le fait de bannir les téléphones dans les écoles (pas seulement en classe, mais bien dans l’école complète) aurait un impact positif sur les résultats académiques des élèves.

J’ai donc décidé de faire ma propre recherche. Elle n’a rien de scientifique et elle est probablement biaisée. J’en prends et j’en laisse, mais j’ai fait un petit sondage auprès de 30 élèves de cinquième secondaire et les résultats me surprennent… mais plutôt que de parler de ceux qui me surprennent, commençons par ceux qui ne me surprennent pas.

La majorité des élèves au secondaire ont leur téléphone cellulaire sur eux, dans tous les cours, même si c’est interdit (je salue d’ailleurs leur honnêteté, même si plus tard dans ce texte, j’en douterai…). Ils ne veulent pas le laisser dans leur casier. En moyenne, ils consultent leur téléphone de 2 à 3 fois par cours.

Je leur demande s’ils considèrent qu’ils ont une concentration fragile (par exemple, s’il y a un bruit qui vient de l’extérieur de la classe, si quelqu’un tousse, si quelqu’un échappe quelque chose par terre) et leur réponse est claire : oui, ils ont une concentration fragile.

Ensuite : est-ce que votre cellulaire nuit à votre concentration? C’est presque unanime! Non.

Est-ce que votre cellulaire nuit à la concentration d’un voisin? Là, on reconnaît que c’est probable, mais sans plus... L’opinion est mitigée.

Allons-y avec mes surprises : Qui contactez-vous le plus souvent durant un cours? Ce sont… les parents. Les élèves parlent avec leurs parents dans nos cours. Oups! Erreur! Quand lors des visites de parents, on remet en question la concentration de l’élève, je vais peut-être maintenant poser la question : « avez-vous déjà contacté votre enfant pendant un de ses cours, via messagerie texte ? »

Autre surprise : l’application la plus utilisée (je m’attendais à Messenger, Facebook ou simplement la messagerie texte) est Snapchat dans ma classe en cinquième secondaire. Peut-être est-ce parce qu’ils croient avoir un plein potentiel sur leur anonymat? Ce n’est probablement qu’une mauvaise hypothèse.

Troisième surprise : Pourquoi sont-ils si accroc à leur téléphone cellulaire? Parce que si JAMAIS il y a une URGENCE ils pourront rapidement réagir! Honnêtement, je les croyais plus honnêtes. (J’apprécie ma dernière phrase autant que vous…) Seulement trois élèves sur 30 ont avoué être dépendants de leur téléphone cellulaire. Les autres n’en ont pas besoin, mais l’ont toujours sur eux. (Rappelons ici que le règlement est qu’ils n’ont pas le droit d’un téléphone cellulaire en classe…) Ça voudrait dire que la majorité de mes élèves de cinquième secondaire consultent leur téléphone dans tous leurs cours de 2 à 3 fois par cours (ils durent 1h15) pour s’assurer qu’il n’y a pas d’urgence. Il y a beaucoup d’élèves angoissés dans nos classes… y aurait-il un rapport?

Mon sondage n’est pas scientifique. Mon sondage est biaisé. Tant pis. J’ai quand même appris une chose : mes élèves malades et sont dans leur phase de déni. J’y reviens après ma deuxième parenthèse…

Deuxième parenthèse : Mon père, qui est un enseignant retraité passionné qui continue de faire de la suppléance 6 ans après sa retraite (maudit malade, direz-vous!), gérait durant ses surveillances le port de la casquette dans l’école. C’était la mode : tous les élèves avaient une casquette et craignaient de montrer leurs cheveux dépeignés devant tout le monde… Vous imaginez la honte? Dans les années 90, ne pas avoir la tête remplie de gel mouillé? C’était ça, la honte… Bref, en entrant dans l’école, les élèves devaient enlever leur casquette. Nuance… On ne l’interdisait pas, il ne fallait pas la porter. On l’enlevait en rentrant dans l’école. Ce petit geste appelait au respect.

Ce règlement existe encore, mais comme la nouvelle mode des garçons est d’avoir un chignon mou – comme celui qu’avait la grand-mère dans Passe-Partout, d’ailleurs! – sur le dessus de la tête, la casquette est moins populaire. Mais quand les élèves entraient dans l’école, les surveillants ne faisaient qu’un geste : celui de celui qui retire sa casquette invisible. (J’apprécie ma dernière phrase autant que la dernière fois!) Bref, il y avait un règlement et il était appliqué à l’entrée de l’école : range ça, parce qu’en rangeant ça, tu es respectueux. Si le règlement était applicable en 1999, quand j’étais en secondaire 4, il est sûrement applicable aujourd’hui! (Argument archaïque dira-t-on…)

Fin de la parenthèse. Dans la maladie, il y a plusieurs phases avant d’y arriver à l’acceptation : d’abord le choc (oh… ce téléphone est merveilleux!), ensuite, il y a le déni (ce téléphone est merveilleux, mais je n’y suis pas du tout dépendant. Je peux arrêter de texter quand je veux!), ensuite le désespoir (il n’y a rien à faire, je vais rester accroc… ça doit être à cause des autres ou de la surprotection…), quatrièmement il y a le détachement (au fond, ce n’est pas si grave si j’ai un cellulaire qui date de l’an passé…) et finalement, il y a l’acceptation (je vais laisser mon téléphone cellulaire chez moi. S’il y a une urgence, mes parents peuvent contacter l’école sans problème).

Bref, ça fait déjà 1550 mots et je ne vous ai pas apporté de solutions. Je suis désolé, car ma piste de solution s’arrête là. Par contre, je suis optimiste, puisque dans la maladie, suit toujours une phase d’acceptation. Je l’attends avec espérance.


vendredi 19 mai 2017

Profiter du moment

J'ai été voir le spectacle de Klo Pelgag hier. C'est à voir. Univers unique, des compositions ayant une structure complexe (mais intéressante), j'ai adoré! En plus, quelle pianiste!

La fille en avant de moi tenait son cellulaire de manière à ce que je vois tout ce qu'elle faisait - Faut dire aussi que ça piquait ma curiosité!

À la fin du spectacle, elle reste assise et n'applaudit pas alors que tout le monde est debout. Klo Pelgag revient pour faire son rappel. Tout le monde applaudit, sauf la demoiselle assise en avant de moi et ses amies. Une d’elle a même les bras croisés. Pendant que le public se rassoit, elle sort son cellulaire. Elle filme la présentation de la chanson. La chanson commence et elle cesse de filmer pour envoyer la courte vidéo qu’elle vient de prendre sur Snapchat. Elle ajoute les mots “Wow! Malade!” par-dessus sa vidéo. Pendant une bonne partie du rappel, elle a joué avec ses filtres de couleur : un peu de bleu? une teinte noire et blanche? Pourquoi pas Sépia? Pas facile de prendre une décision aussi importante…

Croyez-le ou non, mais ça m’a diverti. C’est comme si ça faisait partie de l’univers absurde de Klo Pelgag…

Ce qui m’a le plus diverti, c’est ce qu’elle a texté à quelqu’un pendant l’entracte :

- Première partie terminée je vas (sic) fumer une smoke.

- k (Réponse de son interlocuteur)

Au retour de l’entracte :

- Là je suis en dedans, j’ai fini de fumer ma smoke.

- k (Réponse de son interlocuteur)

Visiblement cette fille-là sait profiter de chaque seconde!

lundi 24 avril 2017

Jonathan, Che Guevara et l’odeur du gazon

Vous aviez neuf ans et c’était l’été. Votre mère préparait des épis de maïs et juste avant de souper, vous alliez vous baigner dans votre piscine hors terre circulaire avec les amis du quartier. Pendant ce temps votre père vous surveillait en tondant le gazon. Ça sentait le chlore et l’herbe fraîchement coupée. Après une sempiternelle partie de « Marco Polo », vous vous mettiez à tourner dans la piscine... De plus en plus vite, sans trop vous poser de question. Puis vous arrêtiez de nager en vous laissant flotter, tout en suivant le courant que vous veniez de créer.

Votre père avait rangé sa tondeuse et suivre le courant, c’était reposant. Surtout après avoir hurlé frénétiquement « Marco » et « Polo » afin d’enterrer le bruit de la tondeuse de votre père pendant des heures. C’était tellement reposant, que votre mère, inquiète de ne plus vous entendre vous égosiller, sortait sur la galerie afin de vérifier qu’aucune noyade n’avait été répertoriée.

Il y avait toujours le petit voisin désagréable qui nageait dans le sens contraire pour défaire le courant. Le marginal de l’afflux. Le flot contre les flots. Le Che Guevara de la baignade. Jonathan.

Il allait chercher son plaisir dans la colère des autres. Son enchantement était inversement proportionnel à celui des autres. Il tirait plaisir de nous voir rager.

Je me sens comme ça dernièrement dans mes cours. Et c’est comme ça chaque année au mois d’avril. Je généralise probablement, mais il y a clairement une corrélation... On s’est époumoné toute l’année et on arrive bientôt au mois de mai. On a fait des devoirs, des préalables, on a accumulé des résultats. On a fait du courant. On pourrait le suivre, doucement, en attendant de se régaler d’épis de maïs… Mais il y a toujours un Jonathan qui joue au casse-cul : il ne fait pas ses devoirs, il apporte son cellulaire en classe, il ne travaille pas, il parle fort, il dérange les autres, il rit pour rien, il ne rit pas quand c’est drôle. Et tout, ça il le fait par exprès.

Il nage dans le sens contraire du courant en tirant plaisir de me voir rager.

mercredi 15 mars 2017

Juste attendre

Voici ce qu’écrivait Line Raymond, enseignante en mathématique au Cégep il y a quelques semaines : « Quand il faut sans cesse ramener à l'ordre une classe, c'est que soit les étudiants ont compris et qu'ils s'ennuient, soit qu'ils se moquent du cours et qu'ils s'amusent. Y a rien comme une évaluation pour en connaître la réponse. »

Je ne sais pas trop comment vous présenter Line, puisqu’à la base, c’est une ancienne prof… Mais je n’aime pas la présenter comme ça puisqu’elle m’a enseigné le calcul avancé en 2002 pendant 15 semaines. Pendant ces mêmes 15 semaines, elle m’a aussi accompagné, avec son collègue maintenant retraité François Laflèche dans mon projet intégrateur de fin de session. Grâce aux magies de la technologie, on a gardé contact et avec les années on a discuté musique, pédagogie, drôleries, on a blogué, on a même composé une chanson! On a tenté d’écrire une nouvelle littéraire sous forme de cadavre exquis et on a abandonné le projet. Elle m’a fait lire Normand Baillargeon. Tout ça depuis 2002. Je ne renie pas les 15 semaines où elle m’a enseigné, mais je retiens beaucoup plus des 15 années qui ont suivies.

Bref, on se situe quelque part entre des amis qui ne se voient jamais et de très bons collègues qui ne travaillent pas ensemble!

Bon, maintenant que les présentations sont faites, je reviens à ça : « Quand il faut sans cesse ramener à l'ordre une classe, c'est que soit les étudiants ont compris et qu'ils s'ennuient, soit qu'ils se moquent du cours et qu'ils s'amusent. Y a rien comme une évaluation pour en connaître la réponse. »

Cette réflexion me revient constamment en tête depuis, je crois, mon premier mois d’enseignement : et si les élèves qui dérangent, au fond, étaient lassés de mes longues explications parce qu’ils ont déjà compris? Je crois que le fait d’enseigner l’informatique cette année – une nouvelle matière pour moi – m’a permis de répondre partiellement à cette question.

Nous avons commencé à programmer des pages en HTML. Le code est assez simple, mais j’y vais lentement afin de m’assurer que les élèves comprennent comment ça fonctionne. J’utilise une méthode de travail pratique que j’ai calquée sur… les cours en design graphique que j’ai suivis. Quand j’apprenais à utiliser le logiciel Photoshop, au début, je trouvais ça long : les exercices pratiques étaient très, très, très faciles. Je voyais mes voisins de classe, dix ans plus jeunes, surfer sur Facebook pendant ce temps et je me disais qu’ils étaient probablement très doués. Par leur attitude nonchalante, ils réussissaient à rayonner auprès des autres! Quelques cours plus tard, alors que c’était plus difficile, ils se sont mis au travail et avaient du mal à suivre. Sans vouloir me vanter, de mon côté, j’avais réussi à garder le rythme.

Dans le cours que je donne, j’ai expliqué la semaine dernière comment programmer des tableaux en HTML : comment fusionner des cellules, comment faire une ligne d’en-tête, comment fusionner des colonnes, etc. Pendant ce temps, je voyais des élèves faire autre chose, mais tout de même en approfondissant leurs connaissances dans le domaine, ce que je trouve tout de même remarquable! Pendant que j’enseigne la programmation des tableaux, eux vont fouiller sur le langage CSS et JavaScript, c’est fort! Ça ne m’arrive pratiquement jamais en mathématique. Jamais un élève ne faisait des recherches sur les séries de Fourrier alors que j’enseignais comment faire la preuve de la formule des zéros de la fonction quadratique!

Non. En mathématique, j’ai compris que dès qu’un problème prend plus que trois étapes de résolution, même si on l’enseigne, même si on leur fait découvrir, même si on le fait enseigner par les pairs, quand arrive le temps de corriger le problème afin de vérifier si toute la démarche est bonne, la moitié de la classe a perdu l’attention. Peut-être plus.

Ça parle. On ramène à l’ordre. Ça rit. On ramène à l’ordre. Ça chiale. On fait une blague, puis on ramène à l’ordre. Ça lance un avion en papier. On ne fait pas de blague, on est insulté, puis on ramène à l’ordre. Ça se lève pendant qu’on est en train de donner les dernières instructions du cours, juste avant que ça sonne… On est insulté, on compare le groupe à un troupeau de vaches puis on ramène à l’ordre.

Personnellement, je me sens souvent insulté lorsque je ramène à l’ordre des élèves qui ont l’âge d’avoir des responsabilités d’adultes. Ça, c’est un autre sujet.

Ensuite, on fait une évaluation. En informatique, c’est frappant! Les élèves qui semblaient se débrouiller le mieux échouent en théorie… Et de la théorie à choix de réponse toute bête en plus! En mathématique, c’est difficile de nuancer, puisque souvent, l’élève qui n’a pas compris aura laissé une page blanche.

Alors… ces élèves qu’on ramène à l’ordre, ce sont des doués ou des loques?

Voici ma conclusion toute simple : ce sont des personnes qui n’ont jamais appris à être patientes.

C’est tout.

Ils n’ont jamais appris à attendre en ligne sans se divertir avec leur téléphone intelligent.

Ils n’ont jamais appris à faire un voyage en voiture sans regarder de film.

Ils n’ont jamais appris à regarder les éclairs dehors lors d’une panne d’électricité.

Ils n’ont jamais appris à laisser murir une idée. Parce qu’une idée, en 2017, il faut la dire tout de suite, car celui qui parle le plus rapidement a généralement le dernier mot! Comme si la répartie primait sur la réflexion…

Ils n’ont jamais appris à attendre.

Juste attendre.

Attendre en écoutant le fil des idées. En se questionnant. En se remettant en question. En se rappelant. Laisser notre mijoteuse cervicale à cuisson lente pendant des heures. Laisser braiser les idées à feu doux.

Est-ce générationnel? Pas du tout. Il y a un paquet d’X et de baby-boomer comme ça… Ils ont tous en commun le fait de ne pas avoir appris à être patients. Les X impatients n’ont jamais appris à finir les jeux vidéo sur Nintendo sans utiliser de codes qu’ils trouvaient dans des revues spécialisées et les boomers impatients n’ont jamais appris à attendre que la ligne soit pointillée avant de dépasser sur l’autoroute.

Ce qui est peut-être générationnel, c’est le fait de ne pas constater qu’être impatient, ce n’est pas trop poli et ça manque un peu de décorum.

La prochaine question : comment est-ce que ça s’enseigne, être patient?

mercredi 22 février 2017

Quarante piasses

Je fais un projet dans mon cours de multimédia qui est sous forme de concours. Le projet déborde un peu de l’évaluation et dénote un côté compétitif. Quand la compétition est saine, elle donne une certaine source de motivation et c’est pourquoi je ne suis pas toujours contre. Peut-être plus particulièrement dans le domaine des arts, car une œuvre ne fait jamais l’unanimité et je crois qu’un artiste est toujours plus lucide s’il est humble.

Bref, le travail est de créer la page couverture de l’agenda de l’an prochain. Le gagnant (ou l’équipe gagnante) aura la chance de voir leur travail sur l’agenda de l’an prochain (comme ils seront au Cégep, on leur remettra une copie, évidemment) en plus de gagner un certificat cadeau de 40$.

Je vois personnellement ce certificat cadeau comme un droit d’auteur. Nous utiliserons leur œuvre, la copierons plus de 1000 fois sur un agenda qui sera vu tous les jours par tous les étudiants de l’école. Ce n’est pas rien et pour moi, le droit d’auteur est un concept essentiel à enseigner au secondaire. Je veux être bien clair : il ne s’agit pas d’un travail normal, il s’agit d’un travail qui sera réutilisé, imprimé et publié. L’utilisation de leur œuvre mérite un prix, à mon avis.

… Quarante dollars. Pour leur faire comprendre la notion de droit d’auteur. Je pensais que c’était pour être suffisant. Peut-être pas…

Je cherchais donc un certificat cadeau en lien avec le cinéma ou la télévision et j’ai proposé à mes élèves un certificat cadeau de 40$ pour le service Netflix. Déjà que je pilais sur certaines de mes convictions (car Netflix ne pait pas de taxes/impôts au Canada – beurk! – et ne présente presque aucun contenu québécois – re-beurk!), j’ai fait face à un autre problème… qui m’a déçu… encore une fois…

- Oui, mais… monsieur, on a tous déjà Netflix.

- Ah! Ben c’est parfait, lors de votre prochain abonnement, vous pourrez avoir quatre mois payés par votre certificat cadeau et si jamais vous êtes deux, ça vous fera deux mois chacun… à la limite, prenez-vous un abonnement 2 écrans et profitez tous deux de 4 mois!

- Ben non… c’est pas nous qui paye…

- C’est vos parents?

- Ben oui!

- Mais si jamais vous déménagez l’an prochain, le certificat cadeau va être encore bon, vous pourrez l’utiliser.

- Nos parents vont nous payer encore Netflix monsieur…

- Ah… Donc, un certificat cadeau de 40$ pour Netflix, ce n’est pas vraiment une paye?

- Non… C’est une paye pour nos parents.

- Ok… Je vais réfléchir à ça.

Alors je réfléchis. D’autres élèves m’ont dit qu’ils utilisaient un même compte Netflix pour toute la famille élargie. Tante, oncle, cousin, voisine, etc. On est loin de la compréhension des droits d’auteurs…

Au secondaire, ne travaillant pas, quand j’allais au cinéma, c’était souvent mes parents qui payaient. Je me rappelle en secondaire 5 avoir gagné une entrée gratuite au cinéma pour mon assiduité scolaire. Ce n’était pas grand-chose, mais j’étais content… Il me semble que jamais je ne me suis dit que le certificat n’en valait pas le coût parce que mes parents me payaient des sorties et que je ne maximiserais pas mes profits…

Merde, un certificat-cadeau Netflix, ce n’est pas non plus 40$ de rabais sur un REER!

Hm! Un REER! C’est peut-être ça la solution…

Ça me déprime un peu…

jeudi 2 février 2017

Reggiani

Quand j'étais en cinquième secondaire, j'ai emprunté à mon parrain un coffret de la discographie complète de Jacques Brel, que je ne connaissais pas du tout. J'écoutais Jacques Brel entre mes cours et je disais à mes amis que c'était du Green Day. J'adorais l'idée de passer à travers une discographie complète d'un seul coup. Dans les années qui ont suivies, à ma fête, mon parrain m'a offert les cd de Jacques Brel en cadeau ainsi que des partitions. J'ai appris à jouer Amsterdam, Les bonbons, Voir un ami pleurer, Les bourgeois et j'en passe.

Mettre le nez (ou l'oreille) dans une discographie complète, c'est comme fouiller dans une encyclopédie. Ça demande des moments d'arrêt. Ça demande des relectures.

Hier, je me suis acheté la discographie complète de Serge Reggiani, que je connais très peu et ça me rappelle beaucoup mon écoute de l'œuvre de Brel. C'est certain que Reggiani n'était pas l'auteur/compositeur de ses chansons, mais il savait bien s'entourer, car il me semble que ses chansons n'étaient pas trop bêtes!

Quand Reggiani chante “Si tu me payes un verre”, il me semble qu’on est loin de plusieurs chansons pop… Pas que je suis contre la pop, au contraire, si vous saviez toutes les quétaineries que j’aime écouter. Mais m’semble que du Reggiani, c’est vraiment pas con!

Celle-là, je l’ai écouté 10 fois :

Si tu me payes un verre : https://www.youtube.com/watch?v=QlaTpkTgAsY

dimanche 8 janvier 2017

Apprivoiser la techno en classe – mes observations

On pouvait lire ce samedi cet article sur l’utilisation des technologies en classe dans Le Devoir : http://www.ledevoir.com/societe/education/488630/apprivoiser-la-techno-dans-la-classe. Cette année, j’ai la chance d’enseigner un cours d’informatique monté sur mesure pour mes élèves de cinquième secondaire et la lecture de cette rencontre avec M. Ron Canuel, président de l’Association canadienne d’éducation, m’a donné envie de présenter mes observations (qui n’ont rien de scientifique et se basent sur un trop petit échantillon pour être prises comme étant une vérité) en ce qui a trait aux compétences de mes élèves avec les technologies.

Utilisation en classe depuis le primaire

Je demande souvent à mes élèves comment ils ont utilisé les technologies dans le passé. Il faut dire que la majorité du temps, c’est l’enseignant qui utilise les technologies (et en ce qui concerne les cours de mathématique que je donne, je peux confirmer cette affirmation). Les rares élèves qui ont utilisé une tablette au primaire (notons ici que mes élèves étaient au primaire entre 2006 et 2012) ne l’utilisaient que pour des tâches simples : par exemple, en mathématique, ils ont utilisé la fonction « calculatrice ». En français, ils ont utilisé la tablette pour faire de l’analyse de texte : en utilisant des couleurs différentes, ils peuvent souligner les types de mots (les verbes, les déterminants, les adverbes, etc.) à titre d’exemple. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/807209/tablette-ecole-ecole-primaire-arpege-ipad
À peu près tous les élèves qui ont utilisé la tablette en classe l’ont toujours fait à l’aide une application très spécifique à la fois. Comme si chaque apprentissage nécessitait une application différente. À trop morceler les apprentissages, on n’enseigne à ces élèves aucune nouvelle connaissance : d’enseigner les rudiments de la phrase avec l’application « Phrase plus! »  n’ajoute pas de nouvel apprentissage technologique par rapport à enseigner les rudiments de la phrase avec un papier et un crayon. En fait, les connaissances acquises lors de l’utilisation d’une tablette ou  d’un ordinateur sont très rarement technologiques : ils ont rarement appris, à titre d’exemple, à personnaliser leur environnement de travail afin qu’il soit plus efficace pour eux, à utiliser les raccourcis clavier de telle ou telle application, et à mon avis le plus important : à ordonner des fichiers et des dossiers!
Notons d’ailleurs que ces apprentissages se situent uniquement dans les premiers niveaux de la taxonomie de Bloom https://fr.wikipedia.org/wiki/Taxonomie_de_Bloom. Les apprentissages sont donc souvent des apprentissages de surface (que je trouve, malgré le fait qu’on pourrait faire davantage, essentiels).

Le Mozart du VHS

Les apprentissages faits avec la technologie au primaire faussent à mon avis l’interprétation qu’ont les élèves de leurs propres connaissances. On a trop souvent félicité les élèves lorsqu’ils réussissaient à faire quelque chose de nouveau avec un appareil technologique. Les parents s’étonnent lorsque leur enfant leur montre quelque chose et en concluent immédiatement que ce dernier doit être un surdoué des technologies. Mes parents ont fait de même avec moi (et d’ailleurs ils se plaisent à raconter cette anecdote encore et encore à toute la famille, mais bon… on s’éloigne un peu) : quand j’étais en maternelle, j’ai réussi à programmer le lecteur VHS afin qu’il enregistre mon émission préférée. Pour mes parents, c’était grandiose, mais avouons que j’étais loin d’être le Mozart du VHS…
On gonfle peut-être trop (ou mal?) la confiance de nos élèves avec la technologie et cela les porte à croire qu’ils connaissent tout… et surtout qu’ils connaîtront tout. Remarquons aussi que les technologies sont toujours changeantes et que les apprentissages que l’on fait doivent être en constante évolution : dans ce domaine, on est loin de l’apprentissage du théorème de Pythagore : ce dernier se fera encore de la même façon dans 20 ans! Par contre, l’utilisation d’un ordinateur aura forcément changé. Si on n’enseigne pas à nos élèves à apprendre à apprendre par eux-mêmes, je crois qu’on crée un glissement cognitif.

Aller plus loin – les défis de l’avenir en enseignement des technologies

À l’avenir, je crois que les principales pistes à observer dans le domaine de l’enseignement à l’aide des technologies de l’information et des communications seront celles du développement d’un bon jugement critique. Celui qui permettra aux élèves d’évaluer la pertinence d’une source provenant du web et celui qui leur permettra de comprendre la nature du plagiat et de ses conséquences, à titre d’exemple…

jeudi 5 janvier 2017

Deux solitudes

Les deux solitudes sont peut-être différentes du roman de Hugh MacLennan (1945) – que je dois ajouter à mes lectures de 2017 – mais à mon avis les résultats de ce sondage démontrent qu’elles sont concrètes.

Source : https://goo.gl/PfWSn0

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mercredi 4 janvier 2017

Humour, polarisation et éducation

Au Québec, on passera les prochains jours à parler d’humour. Après les échanges de vœux usuels de bonne année, on se posera la question : Alors? Comment as-tu trouvé le Bye Bye? Puis Infoman? Et on se rendra compte que nos collègues, que nos amis, que les membres de notre famille n’ont pas trouvé un élément drôle que nous, de notre côté, nous avons trouvé hilarant. D’autres seront littéralement offusqués par les propos tenus lors d’une blague. C’est vrai avec le Bye Bye, mais on a aussi eu ce genre de discussions suivant les attentats à Charlie Hebdo, pendant le procès de Mike Ward (qui n’est pas encore terminé en date d’aujourd’hui) et quand la compagnie d’assurance du gala des Olivier avait censuré un gag.

J’ai remarqué que pour l’humour en général, mes interlocuteurs ont rarement des opinions nuancées. Ils ont aimé ou ils ont détesté… Ils ont rarement pris le temps de pondérer leurs positions.

Dans un premier temps, mes observations m’ont porté à croire que d’ordre général, les gens détestent un gag lorsque ce dernier soulève une émotion, ou, dans un deuxième temps, s’il soulève une incompréhension. Comme le dit Robert Aird (https://goo.gl/E8H8lr), historien de l’humour, « vous trouverez méchant un certain gag contre une chanteuse que vous aimez qui fera rire ceux qui l’aiment moins ou la détestent. Ou vous êtes simplement une personne qui ne tolère pas que l’on tourne quelqu’un en dérision, étant très sensible aux autres. »

Selon cette idée, Aird propose donc qu’une personne peut être fâchée parce qu’une de ses émotions (l’émotion rattachée ici à une chanteuse, par exemple) est risible. C’est ici, selon moi, que toute la polarisation au regard de l’humour se distingue. J’irais jusqu’à dire que de polariser l’humour est très égoïste. Aird évoque aussi une forme d’empathie : une personne pourrait aussi trouver un gag moins drôle si elle est très sensible aux autres. C’est vrai que ces personnes existent, mais je ne crois pas qu’elles représentent une majorité. Les personnes qui évoquent une forme d’empathie vont généralement nuancer leurs propos et ainsi, moins polariser toute forme d’opinion…

Toute polarisation au regard de l’humour témoigne donc, à mon avis, d’une grande fermeture d’esprit… alors, par ricochet, d’égoïsme. Si on a tant de mal à discuter d’humour avec les autres, c’est souvent parce qu’ils ont du mal à concevoir qu’une personne puisse rire d’un objet X qu’eux, inversement, apprécient. Cette incompatibilité (ou ce manque d’empathie) crée automatiquement une rupture dans la discussion et par le fait même une polarisation des opinions.

Dans un deuxième temps, l’incompréhension d’un gag provoque parfois chez certaines personnes une violente fermeture. J’ai souvent vu des personnes réagir âprement, par exemple, à l’humour absurde. L’humour absurde, selon Wikipédia, « est une forme d'humour qui viole délibérément les raisons causales aboutissant à des conclusions, des comportements illogiques dans le but de provoquer le rire ». On peut ainsi dire que c’est normal de ne pas comprendre l’humour absurde puisqu’il bouscule volontairement des concepts préconçus.

Je ne trouverai peut-être pas les bons mots, mais je me demande pourquoi cette incompréhension provoque si souvent une « colère » ou une « fermeture » par rapport à l’humour.

On peut se rappeler, lorsque la chanteuse Klô Pelgag avait gagné le Félix de la révélation de l’année en 2014 au gala de l’Adisq : elle avait tenu des propos absurdes et décousus qui étaient pourtant, à mon avis, très drôles (https://goo.gl/x0TWRw). La réaction de plusieurs personnes sur les réseaux sociaux était pourtant très négative.

Il y a, à mon avis, un parallèle à faire avec les élèves qui sont frustrés de ne pas comprendre une notion. Je ne sais pas à quel moment on enseigne aux enfants que de ne pas comprendre, c’est socialement grave, mais je suis totalement en désaccord avec cet enseignement! Chose certaine, c’est que cette information est bien ancrée dans la tête de mes élèves. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir un enseignant qui m’a enseigné que « la chose la plus importante à savoir, c’est qu’on ne sait pas grand-chose ».

Quand un élève ne comprend pas quelque chose, il éprouve le même sentiment qu’un internaute devant un forum de discussion du Journal de Montréal qui traite du discours de Klô Pelgag au gala de l’Adisq, alors qu’on la proclame « découverte de l’année »…

Même chose.